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Toni Morrison
Éditions Christian Bourgois – 2012
...Le temps était si lumineux,
plus lumineux qu'à son souvenir. Ayant absorbé tout le bleu du ciel, le soleil se
prélassait dans un paradis blanc, menaçait Lotus, torturait son paysage, mais
échouait, échouait, sans cesse échouait à le réduire au silence : des enfants riaient
encore, couraient, criaient leurs jeux ; des femmes chantaient dans les jardins
à l'arrière des maisons tout en accrochant des draps humides sur des cordes à
linge; de temps à autre, une soprano était rejointe par une voisine alto ou
bien un ténor qui ne faisait que passer par là. « Emmène-moi vers les flots.
Emmène-moi vers les flots. Emmène-moi vers les flots. Pour me faire baptiser. ,
Frank n'avait pas emprunté cette route de terre depuis 1949, ni foulé les
planches de bois recouvrant les endroits dévastés par la pluie...
Des spécialistes, et des qualifiés, ont déjà fait le tour de
"Home" jusqu'à l'exégèse la plus aboutie. Mais voilà, ce roman ramassé
et dense m'a parlé au singulier. Je me
dois de lui répondre au singulier, de trouver une voie, la petite voix qui pourrait
faire écho à celle, débordante de vitalité, de Toni Morrison.
OK, j'y suis. Je fais glisser "Blue in green" dans
les enceintes.(à ce stade, il faut appuyer sur Play - sur l'image de Miles Davis – sinon, pas
de son, pas d'effet)
Voilà, c'est une histoire qui progresse par à-coups entre les hommes et leurs proies. Et parce que l'on peut revenir de l'enfer en marchant, Frank Money est des leurs, déboussolé, en victime ivre de sa propre violence.
Alors oui, Home, mais pas sweet home, rarement sweet homme ou
alors, entre des planches, dans un trou à rat ouvert aux quatre vents. Il y a toutes
ces pages où les douleurs que l'on ressent au bout des doigts sont enfouies derrière
les lignes de front, sous les sabots de chevaux qui font trembler notre sol.
Ici, les coups reçus sont des uppercuts dans toutes les fois, à chaque fois que Frank entre en ville, monte en train, titube sa Corée, termine de boire sa poisse tatouée.
Ici, les coups reçus sont des uppercuts dans toutes les fois, à chaque fois que Frank entre en ville, monte en train, titube sa Corée, termine de boire sa poisse tatouée.
On sait trop bien que l'histoire a commencé depuis si longtemps,
sous le soleil et l'ennui écrasant d'un ghetto à ciel ouvert, d'une cité oubliée,
d'un noir mortuaire. Puis en retour, le cri des armes et les entrailles des
GI's. Les yeux bridés et des enfants dévorés. Des villes, des gares et des trottoirs
hostiles et blancs. D'autres trottoirs, fraternels et noirs.
Les pieds nus dans la neige, les trains ou les taxis vont forcément
de Frank vers Cee. C'est le trajet de retour d'un amour immuable parce dans
leur jeu, il n'y a jamais que deux cartes, juste une paire. C'est pour toujours
Franck est un frère. Écrit à l'encre noir, ce sera toujours Cee est ma sœur.
Home enfin et bientôt, la rédemption. La rédemption, car Frank
est un homme, jamais plus un fantôme comme ce zazou en costume bleu pâle, montre en
chaîne, cette ombre du mystère.
Home de Toni Morrison. Il faut bien le lire ou le relire ce
putain de livre avec ces pages en souffrance mais quand je dis "bien",
c'est avec les yeux rivés sur les mots, Miles qui trompette comme un poinçon
dans la tête et la possibilité d'une délivrance.
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