Django, la vie avant les souvenirs


Django, la vie avant les souvenirs

Quelques semaines d'été peuvent se faire aussi pesantes que trois longs mois d'un hiver glacial.
Chaque jour qui passe, la peine creuse son sillon cependant que la douleur se fait moins vive.
C'est que désormais, sa vie me manque. C'est que le manque de mon chien se substitue à son absence.
Ce sont des larmes silencieuses, des larmes irrépressibles qui surgissent à l'improviste, au détour d'un détour de l'esprit, brisant des digues bien fragiles. Et pendant que ma raison s'applique à se faire une raison, mon cœur entre en résistance à mes dépends. Parce qu'il y a ce fossé qui se creuse entre le temps de la vie et celui des souvenirs, une béance qui n'est pas encore prête à être comblée.
Comme si la vie s'acharnait en vain contre le souvenir, peines perdues dans le déni et malgré tout, si présentes.
Je ne dirais pas que son odeur me manque, ni sa chaleur, ni même son souffle sur mon visage pas plus que ses coups de langue ou son regard tellement profond. Ce n'est pas non plus ses courses éperdues ou ces moments suspendus à la trompette magique de Miles Davis. Ce ne sont pas ces milliers d'autres petites choses communes à notre vie commune qui me font défaut. Non, ce qui me manque c'est lui, mon compagnon et mon ami j'ose le dire. Lui dans son entièreté. Lui, Django.
Il ne reviendra plus. La révélation de sa mort, cette évidence de la finitude génère immanquablement une tristesse soudaine, aussi brutale qu'un coup de poing en pleine figure. 
Et puis la raison se rappelle à moi en le rangeant parmi les souvenirs heureux.
Et puis l'instant d'après sa vie qui n'est plus frappe durement aux portes de ma réalité. Encore un peu du moins. 
Et voilà que je me prends à redouter la succession des saisons car je sais Ô combien les souvenirs sont traitres. Les années passant, ils nous glissent d'entre les doigts. Images éphémères, recomposées par bribes, instables, jamais vraiment nettes. Images mentales du bonheur qui défilent sans qu'on puisse les retenir plus d'une seconde. Images par milliers qui s'inscriraient sur l'écran ou le papier comme on s'administrerait un antidote à l'oubli et qui pourtant ne sauraient lutter à armes égales contre la vie, la vraie. C'est le genre de combat perdu d'avance.
D'ailleurs vaut-il le coup d'être mené ? Non, évidemment que non au risque de s'y perdre.
Alors, accepter les coups de mélancolie, accepter les cicatrices qui ne demandent qu'à se rouvrir au moindre accroc et pour une durée qu'on ne saurait imaginer.  Accepter que commence une autre vie. Accepter l'existence accompagnée d'un nouveau compagnon lui aussi plein de courses et de regards éperdus. Un de ceux qui laissent autant de poils sur le tapis qu'ils provoquent de rires dans la maison.
Reprendre le cours du fleuve en se laissant seulement guider par le courant vital.
Remonter bientôt sur des rives plus accueillantes, là où les souvenirs ne feront plus d'ombre à la vie.
Sans lui.
Avec lui.

Commentaires

Articles au top