La randonnée à skis pour les nuls (ascensionnels)
Même pour les nuls parmi
les nuls, la randonnée à skis doit et
peut rester synonyme de plaisir. Pour leur éviter la énième galère qui les
guette au bout de la conversion, j'ai compilé quelques avis tirés de mon
expérience de boulet intégral. Ils sont destinés aux gros, vieux, fatigués, bancals,
les "pas en forme" (la liste n'est pas exhaustive et on peut cumuler).
Attention, être nul ne tient pas
d'un quelconque snobisme et ne revêt aucune sorte de revendication. D'ailleurs,
on peut facilement devenir un nul de
circonstance, jour de gastro ne rimant pas forcément avec jour de rando. Quoi qu'il
en soit, je suis certain que la plupart des nuls aimeraient changer de catégorie, monter par exemple dans la
classe tranquille, voire même lambda. Moi, j'y crois fort dès que tombent les premières neiges
annonciatrices d'une nouvelle saison, mais ça, c'est une autre histoire.
Une première question se doit d'être poser avant de chausser et de faire le premier pas. Seul(e) ou accompagné(e) ?
Que l'on soit nul
ou pas, on part en groupe ou en solitaire. Pour nous les nuls, ce choix change
grandement la donne. Pour ma part et en tant que nul quasi professionnel, j'ai renoncé aux sorties en groupes
constitués (CAF ou autres) et je pars le plus souvent seul ou avec mon chien qui
est un formidable motivateur et qui se fiche bien se savoir s'il faut continuer
ou pas.
À plusieurs donc
Insister sur sa nullité, toujours
Si vous comptez partir avec un groupe ou un nouveau
partenaire, il faut annoncer la couleur dès le premier contact avec un
dénivelé/heure bien vilain. Comme vous n'avez certainement pas la prétention de
partir avec des fortiches de la montée, vos futurs partenaires vont la plupart
du temps la jouer cool. "T'inquiète pas, on ne monte pas très vite"
"Tu skies à ton rythme" "On n'est pas là pour la compète".
C'est un gentil piège dans lequel l'authentique nul que vous êtes ne doit pas tomber au risque de se pourrir la
sortie et éventuellement celle des autres qui sont pour la plupart des faux nuls mais des vrais modestes.
Quand ils devront vous attendre cinq minutes
tous les quarts d'heure, ça va forcément engendrer un petit malaise et ça ne
servira à rien de leur rappeler tout essoufflé "Je vous l'avais pourtant
bien dit…".
Commencer mollo pour finir très mollo
Un groupe, ne serait-ce qu'un duo, c'est
d'abord une file. Très naturellement,
vous allez vous placer en
queue de peloton. Ne faîtes pas l'erreur de vous placer en tête en pensant
qu'ainsi, vous allez pouvoir imposer votre rythme d'escargot sous sédatifs durant
toute l'ascension. Refusez poliment les conseils, les injonctions amicales du bon
gars qui vous place d'autorité devant parce qu'il faut qu'on soit tous ensemble,
tous ensemble, tous…
On va vous mettre la pression au bout de
200 mètres et ce n'est pas tenable pendant toute une sortie. Soit vous sentez
cette pression souvent insidieuse et vous accélérez le rythme. Dans ce cas vous
allez exploser telle une baudruche en plein vol. Soit vous restez fort dans
votre tête en ignorant les souffles rauques sur votre nuque et je vous promets
qu'à la première occasion, la première halte, il se trouvera quelqu'un pour
prendre la tête du groupe. Vous continuerez vaguement contrit avec en cadeau,
un léger sentiment de culpabilité.
Donc on reste derrière et on fait l'accordéon
à son rythme d'escargot cacochyme. Advienne que pourra, mais en procédant de la
sorte, un nul peut espérer atteindre
l'objectif final (sans garantie non plus)
L'effet de groupe n'est pas mon ami
Chemin faisant, deux mots se sont invités dans
votre tête: fierté (souvent retrouvée) et motivation (parfois intacte). Alors
vous vous accrochez au wagon. Vous faîtes l'accordéon avec une volonté décuplée
et l'idée de ne jamais renoncer. Vous êtes parti avec ce putain de groupe, vous
terminerez avec ce putain de groupe. La fierté et la motivation sont de bons
amis qui permettent au nul de
préparer son matos la veille, de ne pas renoncer au premier petit coup de moins
bien ou lorsque que la pente devient sévère. Dans le cadre d'une sortie à
plusieurs, ça peut facilement se retourner contre le nul, car "fierté & motivation" ont des limites qui
sont leur sont propres et qui ne correspondent pas forcément aux capacités de
ceux qui le précèdent. Il en résulte des craquages complets à 50 mètres du
sommet et le dégoût qui va avec, sans compter le sentiment d'humiliation pas
très bon pour le moral.
À tout prendre, mieux vaut faire poireauter
ses camarades de virée.
La gourde plutôt que la pipette (qui va de toute façon avec le collant dans lequel vous ne pouvez pas faire entrer vos beaux cuisseaux)
Ok, la gourde vous fait perdre quelques grammes mais
elle vous oblige à vous poser de temps en temps et vérifier si derrière vous ne
se trouve pas un autre nul avec qui
vous pourrez tailler le bout de gras. Idem pour l'appareil photo. Sortez-le
souvent, faute de commenter votre perf à la maison, vous pourrez montrer les
beaux clichés de votre belle sortie.
Démarrer tôt… non, encore
plus tôt
Mettre sa frontale pour profiter de la montagne qui
s'éveille en silence. Mais au-delà de ça, pour le nul, l'avantage de partir avant tout le monde se situe au niveau de
sa sérénité. Seul au Monde ou du moins seul dans la trace, signifie: absence de
pression sociale. Second atout et pas le moindre, la fraîcheur matinale évitera
au nul de type "calorifère
géant", d'entrer en mode surchauffe trop vite et terminer dans un état
calamiteux. En conditions "printanières", en partant à 6 heures, voire
avant, le nul pourra entamer sa
descente sur moquette … ou pas, avant le coup de chaud fatal. Ça lui donnera
aussi le temps de se refaire la cerise au sommet (cf Garder de la cuisse pour
la descente)
Manger son bonnet (après le passage du premier "avion")
On a beau être tranquille, on a beau
regarder les choses de loin faute de pouvoir les observer de haut, le premier doublement
peut être un élément perturbateur d'une rando commencée idéalement en mode
"seul au Monde". Il y a
parfois comme une petite montée d'adrénaline. Bon, si le gars ou la fille en
question s'avère de bonne composition en vous lâchant quelques mots sympas, un
encouragement, c'est moindre mal. Au contraire, un silence pesant en réponse à
votre "bonjour" peut plomber le moral, d'autant plus qu'il est
annonciateur de tous les dépassements à venir y compris le terrible
"dépassement de soi". C'est particulièrement vrai lors d'un jour de
grande affluence. De ces jours où l'on sait par avance que l'on va bientôt être
absorbé par le flot des randonneurs affutés.
L'idée pour faire passer la pilule est de se
rappeler qu'on est toujours le boulet ou l'avion d'un(e) d'autre et que par
ailleurs, que la montagne est toujours belle.
Ne jamais faire la trace
Sauf à se retrouver sans personne sur votre itinéraire
et donc sans autre choix que celui de tracer, ce sera un effort supplémentaire
inutile car au-delà de vos capacités. Renoncez, même si c'est pour faire
plaisir au groupe d'amis qui vous accompagne ou participer à l'effort collectif
général. Vous allez le payer cher, proportionnellement à l'épaisseur de neige
que vous allez travailler. Rassurez-vous, il y a des spécialistes de cette
tâche aussi rude que prestigieuse, des gens aux poumons d'acier et aux jarrets
agiles et en vous voyant progresser tel un escargot asthmatique, personne
n'aura l'indécence de vous en vouloir.
Doublements, redoublements
Bon, c'est acquis, vous ne faîte pas la
trace, vous êtes dans la trace. Forcément, on va vous doubler, peut-être des
dizaines de fois. Tant que la route est dégagée et la pente pépère, rester dans
la trace ne pose pas de problème. À contrario, dès que vous vous êtes engagé
dans les plus forts pourcentages, des pentes à conversions, il peut arriver
qu'un skieur pressé vous invite à en sortir pour le laisser passer. Là, vous
devez rester impassible mais ferme en l'invitant à vous doubler par
l'extérieur. Après tout, il ou elle doit avoir les moyens de ses ambitions et
être capable de passer quelques mètres hors de la trace. N'ajoutez pas de la
souffrance à la souffrance.
Fort heureusement, le nul est très rarement confronté à ce genre de situation. La seule
fois où elle s'est présentée à moi, la différence de gabarit a dû jouer en ma
faveur pour aussitôt calmer les ardeurs. C'est sans aucun doute le seul
avantage du quintal en montagne.
De l'art d'abandonner avant l'objectif
C'est un point incontournable pour le nul qui se respecte et souhaite
respecter sa petite santé. L'objectif du matin, le col ou le sommet noté sur la
carte peut devenir un terrible piège quand on ne parvient pas à tirer un trait
dessus. Le tout est de savoir comment ne pas aller trop loin au risque de
gâcher sa sortie. Être obligé de s'arrêter de plus en plus souvent fait partie
des signes typiques de la proximité du point de rupture. Le rythme cardiaque
qui remonte trop vite après être revenu à la normale lors d'une courte pause est
aussi un avertissement dont vous devez tenir compte. En revanche, les
étourdissements ou l'envie de vomir signifient que vous avez déjà dépassé votre
dose maximale autorisée… de randonnée journalière.
Bien sûr, abandonner n'est pas très glorieux.
Ça fait comme une entaille au Victorinox dans votre égo, mais c'est souvent la
première fois qui coûte. Il suffit de regarder les paysages autour de soi, de
se répéter que d'autres n'ont pas cette chance, que la prochaine fois ça ira
peut-être mieux et le tour est joué. Surtout ne pas céder aux appels lointains
des sirènes qui vous crient "qu'encore un petit effort et vous serez
récompensé". Bien sûr, la vue panoramique. Bien sûr, l'ivresse des
sommets. Évidemment, la photo de groupe. Or c'est le moment de vous poser la
question des priorités. D'après mes expériences, il est préférable de garder un
peu de forces afin de garder un bon souvenir d'une sortie. Tout le reste n'est
que vanité.
Vous garderez bien un peu de cuisse pour la fin
Parce qu'il y a forcément un moment où il
faut redescendre. Personnellement, c'est même le meilleur moment d'une rando.
C'est ma récompense et cela quel que soit l'état de la neige. On peut être bien
sûr un nul intégral, un nul
"up & down" si l'on veut. Mais que l'on sache dévaler la pente
comme un pro ou comme une luge à foin, le problème de la fatigue accumulée est
du même ordre. Car un bon skieur pourra perdre 90% de ses moyens si son
réservoir est vide. Tirer de belles courbes, attaquer le pentu demande une
énergie, un souffle qui vont manquer cruellement au bon skieur au point de le
ramener à l'état de luge à foin. Au final, égalité presque parfaite avec le
skieur de base.
La solution est de s'accorder une longue
pause après la montée. Il est primordial de prendre le temps de manger, de
boire et bien préparer son matos (ranger proprement les peaux par exemple)
prendre des photos. Il vous faut souffler et beaucoup plus que ceux qui peuvent
grimper sans être à l'agonie. Toutefois, deux obstacles peuvent contrarier votre
repos sommital. D'une part, des conditions météos pas engageantes, un froid
glacial, de méchantes bourrasques ou les deux à la fois. D'autre part, ces
compagnons qui vous attendent sourire aux lèvres depuis des plombes et qui
commencent à lever le camp à votre arrivée. On peut les comprendre. En cas de
mauvais temps, une halte s'impose à la descente, dès que possible, au premier endroit
propice. En cas de départ précipité de vos amis randonneurs-pas-nuls, affichez
votre état d'épuisement et imposez votre temps de pause obligatoire sans jamais
rogner dedans. S'ils ont trop froid. S'ils en ont ras le bonnet. Et bien
annoncez-leur que vous les rattraperez dans la descente ou peut-être pas. Dans
ce cas, vous avez même le droit de vous fâcher un peu, mais temporairement.
Pace Maker
Vous vous sentez bien ce matin avec au fond
de vous, cette impression d'avoir encore vingt ans (trente ça marche aussi). C'est
la grosse motiv', c'est la montagne qui vous a définitivement gagné ou c'est
juste l'air du petit matin qui vous grise, mais dans tous les cas vous en
oubliez votre triste condition de nul.
Ça m'arrive aussi, croyez-moi !
Afin que l'embellie ne soit pas qu'un feu
de paille, il va falloir gérer. Plus
que n'importe qui d'autre, le nul
doit être à l'écoute de ses sensations. Oui, mais pas trop non plus et c'est là
toute la difficulté de l'exercice. On a beau se sentir bien, il va falloir
garder le contrôle du rythme de notre progression dès les premiers hectomètres.
Pour autant, Il n'est pas question de se refreiner, profitons du plaisir que
nous procurent ces sensations de glisse. En l'occurrence, il s'agit plutôt d'en
garder en permanence sous le pied. Le nul
ne peut pas se permettre de débrancher son cerveau ne serait-ce que le temps
d'un quart d'heure d'euphorie si ce n'est de célébrité.
La bonne idée est de prendre ce rythme
"naturel" où l'on avance à la fois sans forcer tout en maintenant une
bonne dynamique et de baisser volontairement d'un ton. Difficile à évaluer mais
diminuer cette cadence naturelle de 10% ou 15% sera tout bénéfice pour la
suite. Selon les conditions que l'on va rencontrer (raide, plat, technique, etc…)
on se cale d'abord sur une allure en mode automatique puis on baisse un peu la
cadence et le tour est joué. Ainsi, on ménage sa monture et on peut aller loin,
du moins, assez loin.
La bouffe, son lit et la zénitude
La préparation de sa rando ne doit pas être
négligée. Le nul est un être fragile
qui peut vite s'écrouler sous les vents contraires. Un mauvais sommeil ou
carrément pas de sommeil du tout (le
stress avant l'épreuve?), vous allez commencer à flageoler dans l'heure qui
suit et un nul qui flageole, c'est pas beau à voir. Avoir trop mangé la veille
ou pas assez le matin même et c'est la crise d'hypo qui vous guette. La
préparation de votre petite tête de nul contribuera aussi au succès ou à
l'échec de votre sortie. De ce côté-là, une seule règle qui vaille: pas de
pression, no pressure, tuto va bene. Si on ne "sent" pas une rando on
ne la fait pas, on renonce et on se dit que ça ira mieux la prochaine fois.
J'espère que ces conseils auront été de quelque utilité au
nul(s) que vous êtes peut-être.
Bonjour, je me reconnais bien dans ces différentes techniques du nul.
RépondreSupprimerPersonnellement, j'en ai une qui marche bien :
Je démarre toujours la rando très lentement, trop lentement, en étant bien couvert. En effet, si on se pèle on a tendance à aller trop vite au départ.
Puis progressivement, au fur et à mesure que mon corps s'échauffe, de façon très naturelle et sans m'en rendre compte,
... je ralentis.
De cette façon j'arrive toujours, un jour ou l'autre, au bout de ma randonnée.
Le pire c'est qu'on y arrive comme les autres...
RépondreSupprimerLe mr à oublié de dire et si ce jour là on est mal accompagné!
je veux dire même celui qui se dit normalement en bonne forme car il fait du 800m/h et alors me diras -tu !
Hé mon gars j'y suis arrivé aussi..
Ah oui c'est bin vrai ma pti dame.
Au plaisir d'une conversion ou même de faire la trace et oui ça m'arrive, uniquementquand je suis en bonne forme!
Mrs..Pourvu qu'elle soit bien faite..!
Excellent ! Et tellement vrai... Le même concept s'adapte pratiquement à tous les sports d'endurance !
RépondreSupprimerJ'aurais aussi ajouté le concept de l'espoir de la casse mécanique (peau qui se détache, fixation qui se sort, etc...) qui, pour le nul, permet de faire une pause sans avoir besoin de la demander...
En tout cas, superbe billet, magnifiquement écrit !!