Legs

Legs

Des chiffres irrévocables sur l'avant-bras,
Fanny est passée par miracle à travers camps.
Une large casquette vissée sur la tête,
Fédor de l'armée Blanche a fui son amer noir.
Auschwitz, Novorossiysk.
Des ornières, des ornières.

Puis ces deux là n'ont plus fait tant d'histoire(s).
Ils ont ménagé leurs enfants,
Éloigné les petits-enfants en toute conscience.
Ils ont pris soin de ne rien laisser trainer derrière,
De balayer devant leurs portes,
Dans nos mémoires tant qu'à faire,
Pour ne guère laisser paraître, sinon les gènes.

Et à la fin, la toute fin,
Ils nous auront grandement épargné de ce qui leur appartient,
De douleurs délétères d'aussi loin qu'ils se souviennent,
D'assez loin pour les taire.
Et nous voilà donc, engeances résignées aux secrets,
À l'indicible,
Sans l'ombre d'un indice,
Toi et moi et nos filles à la suite,
Tous autant que nous sommes,
Fragments aveugles de leurs obscurs silences.
Trop tard,
Sûrement trop tard.
Mais tous les mots ravalés comme papier mâché
Ne pourront nous empêcher de vivre joyeux et oublieux.
De ce que nous ne saurons jamais.
De cela, on ne fera pas d'histoires
Car l'heure des legs est largement dépassée.
http://vuillamy.blogspot.fr/2010/11/reminiscence-07.html
Reminiscence [07] Une oeuvre de Florianne Vuillamy
qui illustre parfaitement ce poème.

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